Coucou gris Cuculus canorus (Linné, 1758)
Classification (Ordre, Famille) : Cuculiiformes, Cuculidés
Description de l’espèce
De la taille d’une tourterelle, le Coucou gris doit son aspect élancé à la longueur remarquable de sa queue et, dans une moindre mesure, de ses ailes. En vol, sa silhouette mince rappelle celle d’un Engoulevent Caprimulgus europaeus ou d’un petit rapace. Lorsqu’il est perché, les ailes sont souvent pendantes et la queue tenue relevée, dans une posture tout à fait caractéristique. Chez la plupart des individus (tous les mâles et une grande partie des femelles) la teinte générale de la face supérieure du corps est gris cendré uniforme, tandis que la face inférieure est claire et largement barrée de rayures parallèles horizontales. Les rémiges sont d’un gris brun foncé et marquées de nombreuses taches claires. Les rectrices sont disposées de façon étagée, les externes étant plus courtes que les centrales, très longues. Toutes sont marquées de plusieurs rangées de taches blanches. Chez certaines femelles, la coloration grise est remplacée complètement ou partiellement par une teinte rousse caractéristique (type hépatique). Les femelles grises classiques sont indiscernables des mâles.
Les pattes sont remarquablement courtes et le bec, plutôt fin, est typiquement celui d’un insectivore. Les mâles sont en moyenne un peu plus forts que les femelles, mais avec un certain chevauchement des poids.
La mue postnuptiale des adultes, complète, débute dans les quartiers d’hiver, principalement en octobre novembre et se termine vers février mars, parfois plus tard (CRAMP & SIMMONS, 1977).
La voix est très caractéristique : les mâles émettent le chant grave et monotone largement connu et les femelles un gloussement sonore en cascade (Tous les oiseaux d’Europe, J-C ROCHE : CD 3/ plage 2).
Longueur totale du corps : 31 à 39 cm. Poids (assez variable d’un individu à l’autre) : 90 à 120 g (femelles) et 100 à 140 g (mâles) (GEROUDET, 1951 ; PAYNE, 2005 ; WYLLIE, 1981).
Difficultés d’identification (similitudes)
Le Coucou peut ressembler, surtout en vol, à un petit rapace. L’Epervier d’Europe Accipiter nisus en particulier peut être distingué par ses ailes plus larges, aux battements plus lents entrecoupés de planés et par sa tête tenue horizontale. Les émissions vocales du coucou, assez fréquentes pendant la saison de reproduction, ne prêtent en principe à aucune confusion. Toutefois quelques exceptions très rares avec le chant de la Tourterelle turque Streptopelia decaocto ont été remarquées.
Répartition géographique
L’aire de reproduction du coucou est très vaste, couvrant la quasi-totalité de l’Europe et de l’Asie (Cramp & SIMMONS, 1977). En France, il niche pratiquement partout, y compris sur les îles bretonnes et jusqu’à la limite supérieure des arbres en montagne (YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, 1994 ; DUBOIS et al., 2000).
Totalement migratrice, l’espèce hiverne au sud de l’Equateur dans les savanes tropicales et, dans l’est de l’Afrique, jusqu’en Afrique australe (MOREAU, 1972 ; PAYNE, 2005).
Ecologie
Le Coucou gris affectionne une très grande variété de milieux : landes atlantiques dénudées, fourrés de toutes sortes et bocages, roselières, forêts de tous types avec une préférence pour les parties ensoleillées (clairières, coupes, lisières)… Il n’évite guère que les villes, les vastes plaines agricoles et les sommets montagneux. C’est probablement la diversité de ses hôtes potentiels qui lui confère une si grande plasticité, puisqu’il se reproduit en faisant appel au Pipit farlouse Anthus pratensis dans les landes de l’ouest, au Pipit maritime Anthus petrosus sur les côtes et les îles atlantiques, à la Rousserolle effarvatte Acrocephalus scirpaceus dans les roselières, au Rougegorge Erithacus rubecula, à l’Accenteur mouchet Prunella modularis ou au Troglodyte mignon Troglodytes troglodytes ailleurs.
Les habitats de reproduction du Coucou sont différents de ceux d’alimentation : ceux ci sont dans l’ensemble plus boisés, et situés parfois jusqu’à plusieurs kilomètres des premiers (ISENMANN, 2006)
Comportement
Le coucou est un oiseau calme et discret, assez farouche et souvent difficile à observer. Il récolte assez souvent sa nourriture à terre, sur les plantes basses ou dans les feuillages. Au printemps, mâles et femelles ont des domaines vitaux de plusieurs kilomètres carrés. Les mâles parcourent jusqu’à 4 kilomètres entre leurs postes de chant et leurs places d’alimentation. Leur territorialité n’est pas stricte, différents individus pouvant fréquenter le même site d’alimentation (WYLLIE, 1981). Le mâle répond aussi bien au chant d’un autre mâle qu’au cri de la femelle, et peut être attiré facilement par une imitation surtout en début de cycle reproducteur.
Les différents comportements des Coucous gris ne semblent pas d’origine acquise. L’espèce est peu sensible à l’apprentissage et a un chant totalement inné. Ces dispositions évitent au poussin de subir l’empreinte de ses parents adoptifs, que ce soit pour les émissions vocales ou l’image de sa propre espèce.
Les migrations s’effectuent par des vols directs sur de grandes distances pouvant atteindre 3000 kilomètres. Le retour des migrateurs prénuptiaux s’observe dès fin mars dans le sud de la France, dans les deux ou trois premières semaines d’avril en France moyenne et à la fin d’avril dans le nord. Des migrateurs tardifs arrivent encore en Europe en mai. Les coucous chantent lors de cette migration, de sorte que leurs passage et arrivée sont souvent notés de manière précise par les observateurs. La date d’arrivée fluctue quelque peu selon les années, en fonction des conditions climatiques récentes et en cours, et peut donner des indications sur la précocité ou au contraire le retard du printemps biologique. Les effets du changement climatique actuel sur la date de retour en Europe sont en cours d’étude et de discussion (REICHHOLF, 2005 ; FIEDLER, 2005 ; GORDO & SANZ, 2006…).
Reproduction
Les coucous ont un mode de reproduction très particulier, puisqu’ils pratiquent le « parasitisme de reproduction ». Dans cette forme de klepto-parasitisme, le parasite fait supporter à une autre espèce, l’hôte, une partie des dépenses énergétiques et comportementales liées à la reproduction. En France, le Coucou gris et le Coucou geai Clamator glandarius (ce dernier étant limité au sud du pays) sont les deux seules espèces à se reproduire de cette manière.
Le Coucou gris parasite exclusivement des petits Passereaux. La liste de ses hôtes potentiels est en fait très longue, mais beaucoup d’espèces ne sont "utilisées" que de manière très occasionnelle ou accidentelle et le plus souvent sans succès véritable (Gros-bec Cocothraustes cocothraustes, Pie-grièche grise Lanius excubitor …). Les hôtes réguliersse réduisent à un nombre réduit de petits insectivores : surtout Rousserolle effarvatte (très régulièrement parasitée), Rougegorge familier, Troglodyte mignon, Bergeronnette grise Motacilla alba, Pipit farlouse, Accenteur mouchet. Selon les milieux et les régions, les femelles du coucou montrent des spécialisations individuelles envers telle ou telle espèce hôte.
La femelle du coucou surveille discrètement des couples de l’espèce-hôte, choisit un nid en cours de ponte et, profitant de l’absence de ses propriétaires à ce stade de la reproduction, y installe son oeuf. Simultanément, elle enlève et mange un des œufs de l’hôte, de sorte que le nombre des œufs présents au nid reste inchangé. Elle procède de même au voisinage dans un certain nombre d’autres nids de la population d’hôtes, pondant ses œufs tous les deux jours et pouvant ainsi arriver à une ponte totale de 10 à 30 œufs au cours du printemps (PAYNE, 2005 ; YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, 1994).
L’œuf du coucou est remarquablement petit par rapport à la taille de l’adulte, de sorte qu’il n’est que très légèrement plus grand que les œufs de l’hôte. La coquille est ornementée de manière très variable (on en reconnaît au moins 15 types principaux à l’échelle européenne, PAYNE, 2005), présentant souvent (mais pas toujours) une bonne ressemblance avec les œufs de l’hôte préféré. En France, les œufs sont souvent de type très tacheté, imitant ceux de la Bergeronnette grise ou de la Rousserolle effarvatte par exemple. Les parents adoptifs refusent assez souvent la substitution d’un œuf de leur ponte et leur nid est alors abandonné. Dans le cas contraire, ils acceptent l’œuf du parasite et le couvent avec leurs propres œufs. Le poussin du coucou éclôt en avance sur ceux de son hôte et croît rapidement. Plus gros que ses frères adoptifs, il jette en dehors du nid, dès les premiers jours de sa vie, les autres œufs ou les poussins de l’hôte, nouveaux nés. Les parents le nourrissent alors comme s’il était leur propre jeune et il consomme à lui seul la nourriture qui aurait été celle d’une nichée entière du petit passereau (DAVIES, 2000).
Le schéma général décrit ci-dessus souffre de nombreuses exceptions et de ratés : œuf pondu trop tôt ou trop tard, plusieurs œufs de coucou dans le même nid, choix d’un hôte inadéquat (par exemple un granivore …), … L’âge de première reproduction du Coucou est de 1 an, souvent sans véritable succès de reproduction la première année (ISENMANN, 2006). Les femelles sont monogames, alors que les mâles sont polygames.
Le succès de la reproduction est de l’ordre de 20 à 30% par rapport aux œufs pondus (ISENMANN, 2006). Une étude menée en Italie montre 63% de réussite à l’éclosion, avec un succès de reproduction de 56% (QUAGLIERINI, 2006), alors qu’une autre en Angleterre indique que seulement 22% parviennent à l’envol et 65 % sont prédatés (sur 74 éclosions ; WYLLIE, 1981). Le déchet de ce mode de reproduction est ainsi énorme, mais semble bien compensé, en particulier par une grande longévité des adultes, pouvant atteindre 13 ans (STAAV, 1998).
L’impact de ce parasitisme sur le succès de reproduction des hôtes est variable : souvent assez faible (moins de 10 % de nichées perdues) mais parfois localement beaucoup plus élevé (jusqu’à 20 à 50 % des nids d’une petite population de Rousserolle effarvatte, par exemple, peuvent être parasités; WYLLIE, 1981).
Régime alimentaire
Le Coucou gris est un insectivore strict, mais aussi spécialisé : il se nourrit très majoritairement de chenilles, avec une prédilection pour les grandes poilues, et souvent urticantes, que délaissent beaucoup d’autres oiseaux. Même si la liste des lépidoptères consommés est assez longue, les auteurs citent fréquemment les « écailles » (Arctiidés), divers Lasiocampidés et les processionnaires (GEROUDET, 1951 ; WYLLIE, 1981).
Habitats de l’Annexe I de la Directive Habitats susceptibles d’être concernés
La plupart des habitats de l’Annexe I (Dunes maritimes et intérieures, Eaux courantes, Landes et fourrés tempérés, Fourrés sclérophylles, Formations herbeuses naturelles et semi-naturelles, Forêts...) sont susceptibles d’être occupés par l’espèce.
Statut juridique de l’espèce
Espèce protégée nationalement (article 1 et 5 de l’arrêté modifié du 17/04/1981), inscrite à l’annexe III de la Convention de Berne.
Présence de l’espèce dans les espaces protégés
L’espèce est très largement répandue et ne semble pas plus particulièrement abondante dans les espaces protégés. Cependant, sa dépendance vis-à-vis des chenilles pourrait impliquer des conditions favorables dans les espaces où la biodiversité entomologique est importante.
Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
Les effectifs européens sont estimés à plus de 4,2 millions de couples, avec un statut de conservation considéré comme favorable (BIRDLIFE INTERNATIONAL, 2004). L’espèce est encore abondante partout, mais une tendance à la baisse des effectifs est signalée en diverses régions d’Europe (-6% entre 1990 et 2005 en Europe ; PAZDEROVA & VORISEK, 2007), et plus particulièrement dans les pays de l’Ouest (France, Allemagne, Angleterre, etc… ; BIRDLIFE INTERNATIONAL, 2004).
En France, les effectifs étaient estimés entre 400 000 et 800 000 couples à la fin des années 1990 (DUBOIS et al., 2000). A cette période, l’espèce ne présentait pas de statut de conservation défavorable, en raison d’un manque d’information (Catégorie « information insuffisante » ; Rocamora & Yeatman-Berthelot, 1999). Des déclins locaux ont cependant été observés, à partir des années 1980, dans le Nord-Pas-de-Calais, la Seine-et-Marne et l’Alsace (DUBOIS et al., 2000), déclin confirmé au niveau national par le programme STOC du MNHN (-28% entre les années 1989 et 2003 ; JULLIARD & JIGUET, 2005).
Menaces potentielles
Le Coucou gris semble menacé d’une part par la disparition locale des milieux clairs qu’il affectionne (haies, prairies et landes, zones humides …) et d’autre part par la diminution générale de l’abondance des grands insectes, et plus particulièrement des Lépidoptères, dûe à l’utilisation intensive d’insecticides.
Propositions de gestion
En forêt, les traitements favorisant une mosaïque d’habitats, comportant clairières et boisements jeunes sont favorables à la fois à l’alimentation et à la reproduction de l’espèce.
En zone agricole, il convient d'assurer la conservation et la restauration de tous les habitats favorables à la fois aux insectes et à ses hôtes (Rougegorge, Troglodyte, Bergeronnettes …) : haies, prés, bandes enherbées, petits bois, prairies, marais … ainsi qu'une forte limitation des traitements insecticides.
Etudes et recherches à développer
Le déclin des populations du Coucou gris est relativement récent et localisé. Il serait donc utile d’en déterminer les causes exactes, en pratiquant des recensements dans divers types d’habitats et en inventoriant les modifications qu’ils ont pu subir. Par ailleurs, les relations entre le Coucou gris et la disponibilité en chenilles, et plus généralement en gros insectes, mérite d’être précisée et quantifiée.
Bibliographie
BIRDLIFE INTERNATIONAL (2004).- Birds in Europe: populations estimates, trends and conservation status. Cambridge, UK (BirdLife Conservation Series n°12). 374 p.
CRAMP, S. & SIMMONS, K.E.L. (Eds) (1977).- The Birds of the Western Palaearctic. Oxford University Press, Oxford, London, New-York, 722 p.
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Rocamora, G. & Yeatman-Berthelot, D. (1999).- Oiseaux menacés et à surveiller en France. Liste rouge et recherche de priorités. Populations. Tendances. Conservation. Société d’Etudes Ornithologiques de France & Ligue pour la Protection des Oiseaux, Paris, 560 p.
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YEATMAN-BERTHELOT, D. & JARRY, G. (1994).- Nouvel Atlas des Oiseaux nicheurs de France. SOF, Paris : 422-423.
Source: Cahiers d'habitat Oiseaux