Pie-grièche à tête rousse, Lanius senator (Linné, 1758)
Classification (Ordre, Famille) : Passériformes, Laniidés
Description de l'espèce
A peine plus grande que la Pie-grièche écorcheur Lanius collurio, la Pie-grièche à tête rousse est un passereau de taille moyenne, à la silhouette de petit rapace en miniature.
Elle est facilement identifiable à son "bonnet" roux et à sa gorge et son ventre immaculés. Son front est traversé par un large bandeau noir (d'où le surnom de "bandit masqué", donné aux pies-grièches). Le manteau est noirâtre, avec le croupion blanc et un grand V blanc dessiné par un petit miroir blanc sur les rémiges et les scapulaires.
La femelle est généralement plus terne que le mâle. Certaines adultes de plus d'un an, présentent cependant des couleurs aussi vives que celles des mâles.
La Pie-grièche à tête rousse de Corse,Lanius senator badius se caractérise surtout par l'absence plus ou moins évidente du miroir blanc à la base des rémiges primaires. Cette zone blanche a tendance à manquer complètement chez la femelle, alors qu'elle subsiste souvent, mais très discrètement chez les mâles. Cette sous-espèce présente un bec plus épais.
Les jeunes, au plumage très uniforme grisâtre présentent quelques indices caractéristiques de leur futur plumage d'adulte : croupion blanchâtre visible en vol, le V blanchâtre sur le dos, dessiné par les scapulaires et les moyennes couvertures alaires, le petit miroir blanc lavé de roussâtre à la base des rémiges primaires.
La mue des juvéniles commence quelques semaines après la sortie du nid, soit à partir de fin juin. Elle affecte uniquement les plumes de contour et se termine au plus tard vers la fin du mois d'août. Ces oiseaux effectuent ensuite une mue en Afrique où elle est rarement complète. Chez l'adulte (oiseau de plus d'un an), une mue partielle a lieu entre juin et fin août (plumes de contours) et la mue complète a lieu dans les quartiers d'hiver africains entre novembre et mars.
Le chant est un gazouillis assez soutenu, composé d’imitations. Les cris d'alarme sont des sons durs et explosifs. Elle peut également claquer du bec en cas de danger (Tous les oiseaux d’Europe, J-C ROCHE, CD 4/plage 46).
Longueur du corps : 19 cm. Poids : 33-45 g.
Difficultés d’identification (similitudes)
Elles ne concernent que les jeunes oiseaux qui sont assez semblables aux jeunes de Pie-grièche écorcheur Lanius collurio, nicheuse et migratrice présente dans presque toute la France. La taille des pies-grièches à tête rousse est légèrement supérieure et leur teinte plus claire et plus grisâtre.
Répartition géographique
C'est une espèce de catégorie méditerranéenne (Bersuder in Yeatman-Berthelot, 1994). Il est ainsi remarquable de constater quela majorité de son aire de nidification mondiale correspond assez bien avec l'aire de l'olivier Olea europea, arbuste cultivé à répartition largement artificielle, mais caractérisant bien la limite de climat méditerranéen (Lefranc, 1999).
La sous-espèce nominale Lanius senator senator niche des Pyrénées jusqu’à l'ouest de la Turquie et de manière discontinue jusqu'en Pologne où elle est très rare. Elle est aussi présente dans une partie de la Russie, correspondant ainsi à sa limite nord et est de répartition. En Europe de l'Ouest, son aire de reproduction comprend la péninsule ibérique, l'Allemagne, la Suisse et la France. Elle a disparu de Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la République Tchèque…
La sous-espèce L.s. badius peuple les îles de la Méditerranée occidentale (Corse, Ile Baléares et Sardaigne). La sous-espèce L.s. niloticus niche dans la partie orientale de l'aire (Moyen-Orient) (Lefranc, 1993).
En France, cette pie-grièche est représentée par la forme nominale sur le continent et la sous-espèce L.s. badius en Corse. Elle apparaît absente des régions dont l'isotherme du mois de juillet est inférieure à 18°C, soit au nord d'une ligne reliant La Roche-sur-Yon (Vendée) au Luxembourg. L'Alsace, la Lorraine et les Ardennes correspondent à la limite nord de sa répartition en France.
Elle se rencontre principalement en plaine et dans les régions collinéennes sèches. Elle est absente des régions trop fraîches, y compris les zones de montagne. Elle niche cependant jusqu'à 900 m dans la Montagne Noire (Aude), entre 1000 et 1100 mètres d'altitude en Haute-Loire (massif du Mézenc) et semble atteindre 1200 m en Cerdagne (Pyrénées-Orientales) (LEFRANC, 1999). La sous-espèce L.s. badius dépasse rarement 800 m d'altitude (maximum 900 m ; Thibault, 1983) et s'avère localement absente au cap Corse.
Son aire d'hivernage se présente comme une large ceinture qui traverse le continent africain au nord de l'équateur mais évitant les forêts denses. La répartition des différentes sous-espèces est assez bien connue. La forme nominale est fréquente du Sénégal au Darfour (Soudan) et arrive au Sud jusqu'au nord-est du Zaïre. Elle est commune dans l'extrême sud de la Mauritanie, au Sénégal, en Gambie, dans le sud du Niger, au sud du 16°N au Mali, au Nigéria et dans le nord du Ghana où elle est plutôt rare dans la partie Sud. L.s. badius hiverne au sud de la boucle du Niger et est répandue au Ghana, au Togo où elle serait mieux représentée que L. s. senator, et au Nigéria.
Ecologie
La Pie-grièche à tête rousse a besoin d'un milieu semi-ouvert situé dans un secteur ensoleillé et parsemé d'arbres aux branches basses, qui lui permettent de chasser les insectes à l'affût au-dessus d'un sol très dégagé, à végétation au moins partiellement rase, voire un sol nu. La présence de buissons et d'éléments artificiels comme les piquets de clôture est appréciée. Dans sud de la France, elle occupe volontiers des secteurs ouverts, arides et à végétation arbustive basse (Genévriers sp. Juniperus sp., épines du Christ Euphorbia milii, ronciers Rubus sp., églantiers Rosa canina…). En Corse, elle fréquente des milieux humides (abords de ruisseaux et d’étangs), des prairies artificielles, des vergers et parfois des lisières de forêts, ainsi que des bois clairs autour du golfe d’Ajaccio (LEFRANC, 1999).
Dans la partie nord de son aire de répartition, on trouve cette espèce essentiellement dans les vergers traditionnels (hautes-tiges) et, plus rarement, dans les alignements d'arbres le long des petites routes et des chemins. En Lorraine, elle fréquente généralement des vergers ensoleillés (exposés Sud-Ouest à Nord-Est), d'une superficie comprise entre 1 et 4 ha, proches des villages, assez clairsemés (densité inférieure à 150 pieds / ha - GENDRE, 1999 ; densité idéale variant entre 40 et 100 arbres par ha - Ullrich, 1971), non traités et pâturés régulièrement et/ou fauchés, permettant le développement de l'entomofaune (Gendre, 1999).
La Pie-grièche à tête rousse pouvait aussi s'installer dans les villes, comme au Jardin Botanique de Strasbourg en 1957 (Lefranc, 1993).
Dans ses quartiers d’hiver, la Pie-grièche à tête rousse fréquente différents types de savanes à acacias, milieux présentant une profusion de perchoirs et un sol à végétation basse, propice à la capture d'insectes (LEFRANC, 1993).
Comportement
En France, les premiers migrateurs précoces rejoignent habituellement leur territoire de nidification dans la troisième décade d'avril, mais le gros de la population s'installe en général dans la première quinzaine de mai. Les couples retardataires apparaissent parfois encore au début du mois de juin (Bersuder & Koenig, 1991).
La Pie-griècheà tête rousse rejoint généralement ses quartiers d'hiver à partir de début août, les départs pouvant s'échelonner tout au long du mois. La majorité des oiseaux de la forme nominale se dirige vers la péninsule ibérique avant de s'engager vers le Sud et les côtes d'Afrique du Nord. Même si la majorité des oiseaux contournent la Méditerranée par ses extrémités, de nombreux oiseaux traversent cependant la mer.
La fidélité des adultes aux sites de nidification semble liée à la réussite de la reproduction de l'année précédente. Sinon, les oiseaux peuvent se déplacer d'une distance variant entre 1,4 et 13,8 kilomètres. Les jeunes sont moins fidèles à leur lieu de naissance. Le taux de retour de jeunes bagués sur le site est très variable, mesuré de 2 à 32 % en Alsace. Cette variation très importante peut s'expliquer partiellement par les mauvaises conditions météorologiques au début de la migration de printemps (Bersuder & Koenig, 1991, 1992).
Dans le Bade-Wurtemberg, la taille des territoires se situe généralement autour de 8 hectares, mais peut descendre jusqu’à 6 voire 2,5 hectares seulement (LEFRANC, 1993).La densité dans le nord de la France (Lorraine, Vosges du Nord) variait de 0.1 à 0.18 couple par km² dans les années 90 (Idelon & Thierot, 1995 ; Gendre, 1999 ;Dombrovski, 1998). Elle peut cependant être plus élevée dans les milieux adéquats de l'Europe moyenne (jusqu’à 2 à 3 couples au km2 ; Ullrich, 1971 - Bersuder, 1990)
Les couples se forment dans les quartiers d'hiver et/ou lors des étapes migratoires. De nombreux oiseaux arrivent appariés et occupent alors un territoire immédiatement défendu contre tout intrus. Mais au vu des aléas de la migration, il y a très souvent des adultes qui se retrouvent seuls, les mâles n'hésitant pas à parader devant des femelles déjà accouplées.
Reproduction et dynamique des populations
La construction du nid se fait à l'initiative du mâle, généralement 2 à 7 jours après l'installation dans le territoire. Selon Panow (1983), les 2 sexes finissent par transporter des matériaux et par bâtir ensemble. Le nid est terminé en 4 à 6 jours.
En Europe septentrionale, la Pie-grièche à tête rousse construit généralement son nid dans un arbre. Les essences les plus utilisées sont en Lorraine, les pommiers Malus sp., pruniers Prunus sp., poiriers Pyrus sp. et noyers Juglans regia (Lefranc, 1993), en méditerranée, les oliviers Olea europaea, amandiers Prunus dulcis, pins Pinus sp.… mais aussi buissons (LEFRANC, 1999).
En Lorraine, la hauteur varie entre 3,5 et 7 mètres (Lefranc, 1993). Selon Ullrich (1971), les nids précoces auraient tendance à être situés assez haut. D’après cet auteur, ce comportement serait lié à la température, plus élevée près du sol vers la fin de la saison. Cela inciterait les couples tardifs à nicher plus bas. Le nid est composé de mousses, tiges, inflorescences, plumes, poils, lichens prélevés localement sur les troncs et de laine de mouton.
Les pontes, qui comportent généralement de 4 à 6 œufs, dont la couleur est très variable, débutent aux environs du 10 mai pour se terminer vers le 10 juillet, le pic de ponte se situant entre la mi-mai et début juin.
En cas de destruction de la ponte normale, une seconde tentative est de règle, sauf éventuellement pour les couples tardifs qui perdent leur couvée à un stade avancé. Les pontes de remplacement peuvent être déposées entre le 22 mai et le 10 juillet (Ullrich, 1971). Le couple peut changer complètement ou partiellement de territoire pour la construction de son nouveau nid, qui se situera à quelques dizaines ou quelques centaines de mètres du premier (Ullrich, 1971).
L'incubation serait uniquement assurée par la femelle, dès la ponte de l'avant-dernier œuf, plus rarement dès le premier.
Le mâle nourrit régulièrement sa compagne (Freitag, 1951 ; Ullrich, 1971).
L'incubation dure entre 14 et 16 jours. Les éclosions asynchrones s'échelonnent sur 2, voire 3 jours.
Le séjour des jeunes au nid dure de 16 à 18 jours. Les pulli sont protégés par la femelle au moins jusqu'au 9ème jour ; le mâle procurant pratiquement toute la nourriture, y compris celle de la femelle.
Après l'envol, les jeunes accompagnent leurs parents pendant 4 à 6 semaines. A l'âge de 40 jours, ils arrivent déjà à capturer des proies par eux-mêmes.
En région Languedoc-Roussillon, le succès de reproduction est faible (36.5% des œufs vont jusqu’à l’envol), principalement en raison d’une forte prédation au nid. En Corse au contraire, il atteint 89% (BONACCORSI & ISENMANN, 1994) et en Allemagne, 42 % (ULLRICH, 1971).
Les variations climatiques survenues au cours de ce siècle pourraient également expliquer en partie la diminution de cette espèce. Une tendance à l'expansion du climat atlantique avec des étés moins chauds et plus pluvieux laisserait supposer une baisse de son taux de reproduction (Ullrich, 1971 ; Bersuder in Yeatman-Berthelot& JARRY, 1994).
La longévité maximale observée grâce aux données de baguage est de 5 ans et 8 mois (STAAV, 2001).
Régime alimentaire
La Pie-griècheà tête rousse est essentiellement insectivore. Elle chasse à l'affût, à partir de postes de 1,5 à 5 mètres de hauteur. Elle prélève la majorité de ses proies au sol, plus rarement en vol.
Les années où les populations de hannetonssont très importantes, ils sont aussi consommés en quantité non négligeable.
Les insectes coprophages de différents ordres (Coléoptères, Hyménoptères, Orthoptères…) constituent une bonne part de son alimentation. Cela montre le lien de cette Pie-grièche avec le bétail, duquel dépendent ses proies. Le genre Aphodius (Scarabéidés) peut représenter plus de 50 % des proies.
Quelques vertébrés sont aussi au menu, en particulier des micromammifères voire des grenouilles, des orvets ou des passereaux, que l’on retrouve dans les lardoirs ("garde-mangers" suspendus aux fils de fer barbelés ou branches d’arbuste épineux).
En Europe, la capture d'oiseaux, souvent blessés, fatigués ou de poussins, reste peu commune.
Habitats de l'Annexe I de la Directive Habitats susceptibles d'être concernés
2260 - Dunes à végétation sclérophylle du Cisto-Lavenduletalia (Cor. 16.28)
4030 - Landes sèches européennes(Cor. 31.2)
4090 - Landes oro-méditerranéennes endémiques à genêts épineux(Cor. 31.7)
5110 - Formations stables xérothermophiles à Buxus sempervirens des pentes rocheuses (Berberidion p.p.) (Cor. 31.82)
5130 - Formations à Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires (Cor. 31.88)
5210 - Matorrals arborescents à Juniperus spp. (Cor. 32.13)
6220*- Parcours substeppiques de graminées et annuelles des Thero-Brachypodietea (Cor. 34.5)
9340 - Forêts à Quercus ilex et Quercus rotundifolia (Cor. 45.3) : faciès dégradés, pâturés ou après incendies
Statut juridique de l'espèce
Espèce protégée au niveau national (article 1 et 5 de l'arrêté modifié du 17 avril 1981), inscrite à l'annexe II de la convention de Berne.
Présence de l'espèce dans les espaces protégés
Elle est très peu présente dans le réseau des Réserves Naturelles de France (RNF), exceptée en halte migratoire. Elle est nicheuse dans la réserve naturelle des Prés salés d'Arès-Lège-Cap-Ferret (1 à 10 couples ; Gironde). Des effectifs nicheurs importants sont signalés dans les ZPS suivantes : Gorges de la Vis & Cirque de Navacelles (Gard), Hautes Garrigues du Montpelliérais (Hérault), Vallée du Régino (Haute-Corse), Basses Corbières (Aude et Pyrénées-Orientales), Basse Ardèche (Ardèche), Montagne de la Clape (Aude),…
Etat des populations et tendances d'évolution des effectifs
L'espèce est considérée comme menacée en Europe, en raison d'un fort déclin continu dans la plupart des pays, déjà noté entre 1970 et 1990 à l'échelle du continent (BIRDLIFE INTERNATIONAL, 2004). Les effectifs sont estimés entre 480 000 et 1,2 million de couples, dont plus de 50 % en Europe du Sud et centrale ; l'Espagne abrite à elle seule entre 390 000 et 860 000 couples et le Portugal entre 10 000 et 100 000 couples. Elle a disparu de Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la République Tchèque (BIRDLIFE INTERNATIONAL, 2004) et ne niche plus que de façon irrégulière en Allemagne (1-3 couples, Sudfeldt et al., 2007).
En France, la Pie-grièche à tête rousse présente une régression marquée sur le long terme. Son statut de conservation est jugé "en Déclin" (Isenman & Bersuder in Rocamora & Yeatman-Berthelot, 1999).
Au XIXème et au début du XXème siècle, son aire de répartition s'étendait beaucoup plus vers le nord-ouest, attestée par la présence d’au moins quelques couples dans le Morbihan. A l'est, elle était également beaucoup plus commune, notamment en Alsace-Lorraine. En 1936, Mayaud mentionnait la reproduction de l'espèce partout dans le pays, sauf au nord-ouest. L'érosion des populations s’est accélérée vers la fin des années 1960, avec un recul de la limite nord-ouest de répartition et un fort déclin dans de nombreuses régions. Par exemple, les effectifs, au pied du Jura alsacien, ont été divisés par 20 entre 1960 et 1980 (Fernex, 1981) et la disparition du Kochersberg alsacien a eu lieu vers 1975 (Lefranc, 1999). Ce déclin est plus fortement marqué dans le nord de son aire de répartition (répartition irrégulière), où par exemple, la population lorraine est désormais inférieure à 100 couples (Gendre, 1999), moins de 50 en 2007 (Malenfert,in litt.). Mais ce déclin touche aussi les régions Rhône-Alpes (disparition de la Drôme, Olioso, in litt.) et PACA (50 à 80 couples estimés, PAUL & GARCIN in LASCEVE et al., 2006). Le Languedoc-Roussillon hébergerait la moitié des effectifs français (Lefranc, 1999). Dans cette région, l’évolution des populations reste inconnue mais la diminution de 15% notée en Catalogne espagnole (Estrada et al., 2004) pourrait être également de mise en Languedoc-Roussillon.
Ce déclin marqué ne doit cependant pas masquer quelques rares augmentations observées localement.
Lors de l'enquête nationale 1993-1994, la population française a été évaluée à 5 900 – 12 700 couples (Lefranc, 1996) et actuellement, elle serait estimée à environ 10 000 couples (Lefranc, 1999). La population corse de la sous-espèce L.s. badius est estimée entre 410 et 700 couples (Lefranc, 1999).
Menaces potentielles
Aujourd'hui, la principale menace reste la modification et la disparition de son habitat.
En région méditerranéenne, la fermeture des garrigues due au déclin du pastoralisme ou au contraire le surpâturage de certains causses (Fonderflick, 2007) contribuent à la perte d’habitats de reproduction. Ailleurs, la régression des formes extensives d'agriculture (polyculture-élevage, élevage de bovins ou d'ovins) est très défavorable à cette pie-grièche. L'agriculture intensive supprime gîtes (anciens vergers….) et nourriture (insectes…) et les remembrements sont à l'origine de la disparition des milieux propices à l'espèce.
Dans les zones de vergers, la régression du pâturage associée aux productions fruitières, l’expiration des droits de bouillage de cru et le développement de la maïsiculture conduisent à la dégradation, voire à la disparition d’un habitat favorable. (ISENMANN & BERSUDER in ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999). Les vergers basses-tiges favorisés actuellement pour des raisons économiques ne sont pas favorables. L'emploi d'engrais, de pesticides et d'insecticides y font disparaître l'entomofaune.
Les produits vétérinaires et notamment les helminthicides, utilisés pour le traitement parasitaire du bétail, peuvent également avoir un impact considérable sur les écosystèmes pâturés, de par leur impact avéré sur les coléoptères et les diptères coprophages (ERROUISSIet al., 2001 ; LUMARET, 2001)
L'intensification des prairies, notamment par les amendements, réduit la diversité floristique et diminue le nombre d’insectes en général (ELLENBERG, 1986).
En migration et hivernage, cette espèce fait l’objet de prélèvements, notamment à Malte et en Afrique du Nord.
Dans les quartiers d’hiver africain, l'emploi de pesticides, notamment dans la lutte contre les insectes ravageurs (criquets…) a un impact non négligeable sur cette espèce (Lefranc, 1980 ; MuÑoz-Coboin Tucker & HEATH, 1994).
Propositions de gestion
En France, La disparition des habitats favorables peut être enrayée par la mise en place de mesures de conservation, notamment liées à une amélioration des pratiques agricoles.
La mise en place dans l'ensemble des ZPS méditerranéennes, en particulier en Languedoc-Roussillon, actuel bastion de l’espèce en France, de mesures agri-environnementales qui favorise le pâturageextensif, afin de permettre une ouverture du paysage, y dynamiserait les populations principales du pays.
Une attention particulière pourrait également être donnée au maintien de buissons, arbres isolés et espaces herbeux dans les paysages viticoles,.
Dans le Nord-est de la France, notamment dans le Saintois (Lorraine) ou en Alsace, il serait souhaitable de conserver les vergers "hautes-tiges" sans traitement phytosanitaire et de mettre en place des mesures de gestion et de restauration (plantation, entretien…) de ces vergers, combinées à des pratiques agricoles utilisant moins d’intrants. Cela peut être encouragé par des mesures agri-environnementales spécifiques à ces paysages.
Il convient aussi d'éviter ou, au moins, de diminuer fortement l'utilisation des pesticides. Concernant l’utilisation des produits vétérinaires, les molécules à utiliser doivent être choisies en fonction de leur impact moindre sur l'environnement (ERROUISSIet al., 2001).
Études et recherches à développer
Des champs de recherche restent ouverts, tels que l’impact de la prédation en relation avec une altération de l’habitat de reproduction, la mortalité des juvéniles entre la sortie du nid et le départ en migration et, surtout les relations de l'espèce avec son milieu et principalement avec sa nourriture. Ces travaux doivent s'inscrire dans le double contexte actuel du changement climatique et de l'avancée de l'agriculture industrielle.
Le régime alimentaire mérite des compléments d’étude en France, de même que l’impact des traitements phytosanitaires pratiqués dans les sites occupés.
Une étude des techniques d'entretien des vergers et les conséquences des variations de la hauteur de l'herbe permettrait de mieux connaître les conditions d’accueil des pies-grièches à tête rousse et de maintenir dans l'état le plus favorable les sites de reproduction.
Le suivi local et à long terme des populations garde également tout son intérêt, ainsi que des recensements périodiques à l'échelle régionale et nationale (MULLER, 1998 ; DUPOUX, 2005).
Il conviendrait également d'améliorer la connaissance de ses conditions d'hivernage et de migration par le baguage et par des études en Afrique subsaharienne et au Maghreb.
Bibliographie
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Source : Cahiers d'habitat Oiseaux